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Postdoctorat en philosophie | 2017-2019

Université Brown (É.-U.)

Directeur : Charles Larmore

Titre du projet de recherche : Les normes constitutives du moi.

Peut-on réhabiliter l’idée d’une nature humaine normative?

Financement : FRQSC

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Doctorat en philosophie | 2011-2017

Université de Montréal

Directeur : Jean Grondin

Titre de la thèse : Lumières et sécularité : Charles Taylor et les limites de la simple raison

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Maîtrise en philosophie | 2009-2011

Université de Montréal

Directeur : Michel Seymour

Titre du mémoire : Dialectique et sécularisation chez Charles Taylor

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Baccalauréat spécialisé en philosophie | 2005-2009

Université de Montréal​

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DOMAINES D'EXPERTISE

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1. Œuvre de Charles Taylor

2. Philosophie de la religion

3. Philosophie morale et politique

4. Herméneutique contemporaine

5. Histoire de la métaphysique

5. Épistémologie des sciences humaines

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MES RECHERCHES ACTUELLES

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Postdoctorat en philosophie | 2021-2023

Financement : Conseils de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)

Directeurs : Luc Langlois et Thomas De Koninck, Université Laval

Titre du projet de rechercheL'antinomie de la raison pure revisitée : Charles Taylor et la question de la viabilité de la métaphysique spéciale

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Mes actuels efforts de recherche sont liés de près à la fois au sujet de ma thèse de doctorat ainsi qu’à celui de mon premier stage postdoctoral, ces trois étapes de mon parcours académique visant à approfondir une même réflexion autour de l’œuvre de Charles Taylor, que j’aborde des points de vue de l’histoire de la métaphysique, de la philosophie de la religion et de l’herméneutique contemporaine.

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Ma thèse portait sur la critique du « mythe des Lumières » formulée par Taylor dans son essai « Die blosse Vernunft (‘Reason Alone’) » (publié dans le recueil Dilemmas and Connections, 2011a), que ce dernier définit comme un ensemble d’idées-forces comportant (i) une distinction tranchée entre la « simple raison » et la conviction religieuse dans les sciences humaines et la philosophie ; (ii) un « récit soustractif » (subtraction story) de la modernité voulant que celle-ci se définisse avant tout par le retrait de la religion ou, ce qui revient au même, par l’affranchissement de la simple raison eu égard à ses tutelles religieuses traditionnelles ; et enfin (iii) une éthique exhortant à mettre un terme aux interférences de la foi et des révélations religieuses dans le travail émancipateur de la simple raison. L’objectif de mes analyses était de démontrer qu’il ne pouvait récuser totalement ces aspects de l’idéologie des Lumières sans désavouer du même coup sa propre anthropologie philosophique ainsi que ses thèses fondamentales touchant les finalités essentielles de l’être humain. En effet, son « ontologie de l’humain » repose en grande partie sur l’idée que la pensée et l’action humaine dépendent de « cadres inéluctables » (inescapable frameworks) dont l’explicitation devrait, en toute rigueur, relever de la simple raison. Intitulée Lumières et sécularité : Charles Taylor et les limites de la simple raison (Université de Montréal, 2017) et rédigée sous la direction du professeur Jean Grondin, ma thèse s’est vu décerner la mention « Exceptionnel » par le jury dont fit partie Taylor lui-même à titre d’examinateur externe. Mon nom fut par ailleurs inscrit sur la liste d’honneur du doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales (FESP) 2017-2018.

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Avec le soutien du philosophe américain Charles Larmore et grâce à l’appui financier du Fond de Recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), j’ai ensuite exploré plus avant ce même questionnement sur le terrain de la philosophie morale et politique. Mon projet de recherche avait pour titre « Les normes constitutives du moi. Peut-on réhabiliter l’idée d’une nature humaine normative? » (2017-2019) et son objectif premier consistait à approfondir la conclusion principale de ma thèse, soit l’idée selon laquelle la critique du mythe des Lumières chez Taylor aurait dû prendre acte de manière plus cohérente des normes éthiques qui se trouvent implicitement contenues dans ses propres analyses des cadres inéluctables ou des « conditions transcendantales » de l’agir humain. De là, j’ai entrepris de tirer au clair la nature de cette « éthique transcendantale » dans le contexte des débats contemporains touchant, d’une part, les éthiques néo-aristotéliciennes de la vertu, et d’autre part, le libéralisme politique. Ces recherches ont donné lieu à la publication de plusieurs articles dans des revues spécialisées avec comité de lecture, de nombreuses conférences internationales, la coédition avec Solange Lefebvre de l’ouvrage 10 ans plus tard : la commission Bouchard-Taylor, succès ou échec? (Éditions Québec Amérique, 2018) au sein duquel j’ai contribué également l’introduction ainsi que l’un des chapitres, de même qu’à la rédaction d’un livre qui intègre ces nouveaux éléments de réflexion au manuscrit de ma thèse et que je soumettrai bientôt aux Presses de l’Université de Montréal (coll. Analytiques).

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Mes réflexions se sont donc focalisées jusqu’ici sur les rapports entre, d’un côté, la conception que propose Taylor des arguments de type transcendantal, visant à dégager les cadres ou les « conditions d’arrière-plan » (background conditions) hors desquels l’expérience humaine en général s’avérerait inintelligible, et de l’autre côté, la nécessité de tenir ces cadres pour des normes éthiques et politiques constitutives du « moi ». La recherche postdoctorale que j'entreprends à présent veut examiner de manière plus spécifique la possibilité d’une argumentation transcendantale en ce qui a trait à la question de la vérité de la « religion », que je proposerais de définir avec Taylor comme la croyance 1/ en une transformation ou un bien allant « au-delà de l’épanouissement humain » (beyond human flourishing) ; 2/ en un agent ou une force supramondain, qui transcende l’ordre immanent du monde et pourrait être la source de cette transformation radicale ; et 3/ en une vie « au-delà des limitations naturelles de la naissance et de la mort » (Taylor, 2007a : 20). En ce sens, ma question directrice concerne la viabilité de que l’on appelait traditionnellement la « métaphysique spéciale » (metaphysica specialis), par opposition à l’ontologie ou la « métaphysique générale » (metaphysica generalis) : pourquoi Taylor estime-t-il que la question de la vérité de la religion, doit désormais faire l’objet d’une « quête d’authenticité » ou d’une « exploration par résonnance personnelle » (Taylor 1989 : 510-3), et non plus donner lieu à des arguments qui élèveraient une prétention a priori, universelle et nécessaire, de façon à convaincre n’importe quel penseur honnête et lucide?

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Dans un premier temps, ce rejet de la métaphysique spéciale semble reposer sur le constat selon lequel « [p]lus on réfléchit, plus les certitudes faciles de chaque courant, transcendant ou immanent, s’affaiblissent » (Taylor, 2007a trad. : 1225). Ainsi, plus on pénétrerait avec patience et intégrité le « conflit » ou les « pression-croisées » (cross-pressures) entre la croyance et l’incroyance, plus l’ambition d’arbitrer celui-ci par voie transcendantale ou a priori paraîtrait démesurée, bancale ; quoiqu’il estime avec William James que le débat a le caractère d’un « choix obligé » (forced option), excluant ainsi d’emblée l’agnosticisme comme une position inconsistante, toute prise de position présupposerait que l’on aille « au-delà des raisons disponibles pour rejoindre le monde de la confiance anticipatrice » (Taylor, 2007a trad. : 935). C’est ce qui fonde la thèse des « langages plus subtils » (subtler languages) chez Taylor, sans doute l’une de ses plus décisives et originales, selon laquelle la philosophie, les sciences humaines et la théologie ne peuvent désormais consister qu’à exposer une « vision personnelle », « réfractée dans une sensibilité particulière » (Taylor, 1989 : 427-9, 490-3). En d’autres termes, il serait illusoire de se croire capable de produire en ces matières un discours « en quelque façon plus précis et plus libre des contingences personnelles que celui des poètes ou des romanciers » (Taylor, 1989 trad. : 639).

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Il n’en reste pas moins remarquable que Taylor lui-même ait voulu concilier dans ses travaux de nature plus méthodologique à la fois (i) la vocation a priori de la philosophie, qui seule la distingue vraiment de la science et de la religion, et (ii) sa faillibilité foncière, puisqu’il est toujours possible de contester ses arguments et conclusions (cf. St-Laurent, 2017b). En effet, lorsqu’il est question de ses propres thèses fondamentales touchant les cadres inéluctables de l’agir humain, il n’hésite pas à soutenir qu’il est possible de « rendre justice à la fois à leur nature irréfragable et révisable » (Taylor, 1995 : viii), c’est-à-dire de faire valoir que ces thèses sont « apodictiques et pourtant ouvertes à un débat sans fin » (Taylor, 1995 : 32). Mais pourquoi alors soutenir que les désaccords touchant la vérité de la religion suffisent à disqualifier les prétentions a priori de la métaphysique spéciale? Quelle est la raison exacte pour laquelle celle-ci devrait être considérée obsolète, comme le suppose la thèse des langages plus subtils? Autrement dit, pourquoi Taylor assigne-t-il aux arguments transcendantaux une fonction minimale, les confinant à la détermination des conditions formelles de la pensée et de l’action? Pourquoi exclut-il de leur domaine de validité non seulement l’éthique et le politique, comme j’ai eu l’occasion d’en traiter dans mes recherches antérieures, mais également la réflexion sur le « sens ultime » des choses ou, dans ses propres termes, sur les « hyperbiens », les « biens constitutifs » ou les « sources morales » (Taylor, 1989 : 62-107), qui sont autant d’aspects et de façons de dire ce que la philosophie classique dénommait le souverain Bien? S’agit-il là d’une simple pétition de principe ou, au contraire, de la conclusion d’un raisonnement cohérent et pouvant être restitué de manière féconde pour les débats actuels en philosophie de la religion?

 

Objectifs de recherche

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Au regard de ces interrogations, les études consacrées à la pensée de Taylor pourraient être réunies sous trois rubriques générales. La première rassemblerait les travaux qui se contentent d’expliciter dans une perspective strictement exégétique le sens de sa thèse des langages plus subtils et ses implications eu égard à son interprétation de la modernité (cf. Mulhall, 1996; Connelly, 2004; Gordon, 2008; Ormerod, 2009; St-Laurent, 2016a) ; la deuxième inclurait les commentateurs qui se disent d’accord avec Taylor en ce qui touche l’obsolescence de la métaphysique spéciale, tout en adoptant des positions diverses et multiples la nécessité de recourir à des langages plus subtils, que ce soit pour s’interroger sur le type de raisons pouvant encore être mobilisées pour justifier la croyance ou l’incroyance (cf. Lane, 1992; Laitinen, 2002; Blattberg, 2007; Connelly, 2010) ou défendre un certain agnosticisme (cf. Larmore, 2008) ; enfin, la troisième réunirait les penseurs qui s’opposent à la position de Taylor dans l’intention de réaffirmer les droits de la métaphysique spéciale ou, plus précisément, de la théologie naturelle dans le contexte de la philosophie contemporaine (cf. Baker, 2007; Grondin, 2012; Rose, 2012; McPherson, 2013; Hösle, 2013; Horan, 2014). Le projet de recherche proposé ici s’inscrirait à la fois dans la première et la deuxième de ces rubriques, mais son originalité résiderait dans le fait de se focaliser sur la conception que se fait Taylor du discours philosophique et de ses limites.

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Ma recherche comportera trois moments ou étapes principales. Dans un premier temps, dans la période allant de l’été à la fin de l’automne 2020, je ferai l’hypothèse que la raison précise pour laquelle Taylor exclut la métaphysique spéciale du domaine de validité des arguments transcendantaux peut être attribuée à l’« antinomie de la raison pure » relevée par Emmanuel Kant dans sa célèbre Critique de la raison pure (1781), c’est-à-dire au fait que la métaphysique spéciale conduise la pensée humaine à outrepasser les normes constitutives de l’expérience, à se prononcer sur l’existence de réalités proprement méta-physiques ou « transcendantes ». J’en vois notamment des indices dans les analyses que consacre Taylor à l’idée d’un « espace d’indétermination ontologique » (space of ontological indeterminacy) ou d’« indéfinition ontique » (ontic indefiniteness) en ce qui touche la source ultime du sens (Taylor, 2007a : 757; Taylor, 2011a : 58; Taylor, 2016 : 345). Toutefois, cette antinomie ne s’impose plus chez Taylor dans la perspective d’une interrogation sur la possible scientificité de la métaphysique, à l’instar de Kant, mais en partant du problème inverse, soit du caractère problématique et contingent des « horizons de compréhension » ou des « identités » – ou encore de ce que le libéralisme politique contemporain dénomme le « fait du pluralisme raisonnable » (Rawls [1993], 2005) ou le « phénomène du désaccord raisonnable » (Larmore, 1993, 1996) –, pour ensuite se questionner sur la possibilité de concilier celle-ci avec la vocation a priori traditionnelle de la philosophie. Comment, autrement dit, est-il possible de débattre avec autrui tout en estimant qu’il a tort a priori? Tandis que Taylor offre une réponse stimulante à cette question en ce qui a trait aux cadres essentiels à notre « fonctionnement » en tant qu’êtres humains (cf. Taylor, 1993; Taylor, 1995 : 31-33; Taylor, 1998 : 35-45), il ne semble pas possible d’appliquer la même solution aux « objets spéciaux » de la métaphysique spéciale (p. ex. : Dieu, le salut, l’immortalité de l’âme, etc.).

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Dans un deuxième temps, à l’hiver et l’été 2021, je m’efforcerai de clarifier la relation entre cette disqualification herméneutique de la métaphysique spéciale – par contraste avec la disqualification scientifique opérée par Kant – et deux autres aspects cruciaux de la pensée de Taylor. D’une part, je soutiendrai que la distinction entre les cadres de l’agir et les objets transcendants de la métaphysique spéciale s’articule étroitement à la déconstruction de la métaphysique mise en œuvre par Martin Heidegger et ses plus influents prolongateurs (cf. Taylor, 2007a : 232, 416, 558-9; Taylor, 2007b), notamment Jean-Luc Marion (1991, 2013). Ma contribution consistera à montrer que ce qui unit la perspective de Taylor à cet effort de déconstruction est l’idée selon laquelle Dieu, parce qu’il doit être infini et transcendant, et donc incommensurable à la nature finie de l’être humain, ne peut être compris sans contradiction comme un cadre inéluctable. Autrement dit, un argument transcendantal en faveur de l’existence de Dieu le réduirait à une « idole conceptuelle », suivant le mot de Marion ; elle l’enfermerait dans un raisonnement lui-même idolâtre. D’autre part, ces réflexions renvoient à ce que l’épilogue de A Secular Age appelait le récit de la « déviation intellectuelle », voulant que ces critiques de l’idolâtrie, qui jalonnent la tradition judéo-chrétienne du Moyen Âge tardif jusqu’à aujourd’hui, constituent le moteur théorique véritable de la sécularisation en Occident (Taylor, 2007a : 773-4; cf. Blumenberg, 1985; Larmore, 1996 : 41-44; Monod, 2014). Taylor accorde un certain crédit à ce récit, mais ne le lie pas de manière explicite à sa thèse des langages plus subtils, qui constitue pourtant le point culminant de son interprétation de la modernité.

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En troisième et dernier lieu, j’aimerais confronter à l’automne et l’hiver 2021-2022 la critique de la métaphysique spéciale attribuable à Taylor aux principaux arguments de l’« épistémologie réformée » d’Alvin Plantinga (cf. Plantinga 1967, 1974, 1993, 2000, 2011), qui constitue sans doute la position la plus influente en philosophie anglo-saxonne de la religion aujourd’hui. La proposition de Plantinga selon laquelle la croyance en Dieu constitue une « croyance de base » (properly basic belief), c’est-à-dire une croyance pouvant être « garantie » (warranted) sans être expressément justifiée ni avoir besoin de l’être, semble consonner avec la conception que se fait Taylor des rapports entre la raison et la révélation (ou l’expérience religieuse). Pour les deux auteurs, la théologie naturelle apparaît comme un effort indu de « rationalisation » de la croyance religieuse. Cela dit, Plantinga distingue deux conceptions de la théologie naturelle, positive et négative, où cette dernière consisterait à réfuter les arguments de « l’athéologie naturelle » (Plantinga, 1967, Partie II) – qui entend établir l’inexistence de Dieu et, plus généralement, la fausseté de la religion – en s’appuyant sur les croyances de base. Or, parce que la notion de « croyance de base » peut sans doute être rapprochée de celle de « condition transcendantale » chez Taylor, comme le suggère notamment Deane-Peter Baker (2007 : 13-5, 120-14, 140-4, 197-204), cette distinction autorise la question suivante : la métaphysique spéciale demeurerait-elle possible chez Taylor sous une forme négative?

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